Réunis à la Cour suprême du Bénin à Porto-Novo, des juristes africains et européens ont rendu un vibrant hommage à Robert Badinter, icône du droit humaniste. Ce colloque international inédit sur le continent a permis de revisiter les fondements de l’État de droit à travers l’œuvre du juriste français, en posant les jalons d’une justice béninoise plus équitable, indépendante et universelle.
Une salle d’audience transformée en agora du droit. Le 18 juillet 2025, la Cour suprême du Bénin a accueilli dans sa salle Monsi à Porto-Novo un colloque international majeur, placé sous le thème : « Justice, État de droit et démocratie : regards croisés sur l’œuvre scientifique de Robert Badinter ». Un événement unique en Afrique, qui a rassemblé magistrats, universitaires, avocats, chercheurs, responsables judiciaires et parlementaires venus du Bénin, de la France et du Togo, pour réfléchir ensemble aux défis contemporains du droit à travers le prisme des idées de Robert Badinter.
Célèbre pour son combat contre la peine de mort et son attachement à la dignité humaine, l’ancien garde des Sceaux français a été au cœur des échanges. Dans son allocution d’ouverture, Pierre Ahiffon, premier avocat général et président du comité d’organisation, a salué l’engagement du président de la Cour suprême, Victor Dassi Adossou, pour avoir permis cette initiative audacieuse. Il a souligné que ce colloque vise à « croiser les regards professionnels et académiques pour enraciner les valeurs humanistes défendues par Badinter dans le système judiciaire africain ».
Prenant la parole, Victor Dassi Adossou a livré un hommage vibrant à Robert Badinter, saluant « la rigueur intellectuelle, l’éthique du droit et la défense constante de la dignité humaine » qui ont marqué sa carrière. Il a évoqué avec émotion sa rencontre personnelle avec le juriste français en 2009 à Paris, et remercié Mme Élisabeth Bleustein-Blanchet, veuve de Badinter, pour son message de soutien. Un geste perçu comme un symbole fort de transmission intergénérationnelle et interculturelle des valeurs du droit.
Le ministre béninois de la Justice et de la Législation, Yvon Détchénou, a salué la pertinence de cette initiative, avant de déclarer ouverts les travaux. Pour lui, l’héritage de Badinter reste une source d’inspiration pour les juridictions africaines en quête d’une justice indépendante, humaine et accessible.
Une richesse intellectuelle sans précédent
Les communications ont ensuite permis de croiser expertises et visions. Jean-Paul Jean, président honoraire de chambre à la Cour de cassation française, et Me Robert Dossou, ancien bâtonnier et ex-président de la Cour constitutionnelle du Bénin, ont mis en lumière l’universalité de la pensée juridique de Badinter. Leurs échanges, modérés par le député Victor Tokpanou, ont rappelé combien les droits fondamentaux doivent rester au cœur des systèmes judiciaires.
Le professeur Joseph Djogbénou a ensuite établi un lien profond entre la pensée de Badinter et la construction constitutionnelle africaine, insistant sur le rôle central du juge dans les démocraties modernes. Cette communication a été brillamment modérée par Mme Dandi Gnamou et le professeur Ibrahim Salami.
La notion d’équité judiciaire a été explorée par Bernard Vatier, ancien bâtonnier de Paris, dans une intervention axée sur l’indépendance et l’impartialité du juge, avec la modération de Gilbert Ahouandjinou. Le professeur Fabrice Hourquebie, de l’Université de Bordeaux, a quant à lui analysé l’évolution du Conseil constitutionnel français vers une véritable juridiction, modéré par le professeur Théodore Holo.
La thématique sensible de la peine de mort a été abordée avec justesse par Maud Fouquet, conseillère à la Cour de cassation, avant que Jérôme Assogba, magistrat béninois à la retraite, ne conclue avec une réflexion forte sur « l’éthique du juge et le devoir d’ingratitude », un appel à la liberté morale des magistrats africains face aux pressions sociales ou politiques.
Vers une justice béninoise renouvelée
Au-delà des communications, le colloque a donné lieu à des échanges nourris, marqués par la volonté collective de faire évoluer les pratiques judiciaires en Afrique. En clôturant les travaux, Victor Dassi Adossou a salué « la qualité des débats et la profondeur des réflexions » et a annoncé la prochaine publication des actes du colloque, comme outil de référence pour les praticiens et chercheurs du droit.
Par cette rencontre de haut niveau, la Cour suprême du Bénin se positionne désormais comme un pôle doctrinal d’envergure dans l’espace francophone, engagé dans la promotion d’une justice fondée sur les droits humains, l’indépendance et l’équité. En rendant hommage à Robert Badinter, le Bénin n’a pas seulement salué une figure du droit : il a affirmé une ambition. Celle de construire une justice enracinée dans ses réalités, mais ouverte sur l’universalité des droits.
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