Alors que la prostitution des adultes demeure légale au Bénin, un fléau bien plus inquiétant se développe dans l’ombre : celui de la prostitution juvénile. Le pays, confronté à une crise sociale profonde, voit ses artères urbaines se transformer, à la tombée de la nuit, en scènes de débauche où se joue l’avenir de nombreuses mineures.
Une légalité ambiguë, un fléau rampant
Officiellement, la législation béninoise tolère la prostitution adulte, tout en interdisant le proxénétisme sous toutes ses formes. Pourtant, cette tolérance a ouvert la porte à une explosion du phénomène, notamment dans les grandes villes comme Cotonou et Porto-Novo. À Djonquet, à l’Infosec ou encore le long de certaines voies de la capitale, la présence de travailleuses du sexe, souvent très jeunes, ne passe plus inaperçue.
À Porto-Novo, les nouvelles voies urbaines servent désormais de points de ralliement à de jeunes filles, parfois à peine adolescentes. Le long de la clôture du CEG Djegan-Kpévi ou aux abords de l’Assemblée nationale, elles guettent les clients, défiant ouvertement la loi et la morale.
Les causes d’une dérive
Derrière ces scènes choquantes se cache une réalité sociale brutale : pauvreté, chômage, déscolarisation, désintégration familiale. Beaucoup de jeunes filles évoquent l'absence d'opportunités, la pression économique ou la survie comme justification de leur présence dans les rues, les bars ou les maisons closes.
Selon une estimation de l’ONUSIDA datant de 2019, près de 15 000 prostituées exercent au Bénin. Parmi elles, seules 15% sont de nationalité béninoise, les autres venant majoritairement des pays voisins. Ce flux migratoire alimente un réseau tentaculaire, souvent alimenté par des trafics humains.
Un rapport de l’Observatoire de la Famille, de la Femme et de l’Enfant, relevant du Ministère des Affaires Sociales, concluait dès 2016 que l’environnement familial instable, les violences domestiques et l’absence de prise en charge éducative poussent de nombreux enfants vers la prostitution. Ces derniers sont parfois contraints de prendre en charge la subsistance de leur famille, endossant prématurément des responsabilités d’adultes.
La technologie, nouvel allié du vice
L’avènement du smartphone et des réseaux sociaux a radicalement transformé la pratique de la prostitution. Désormais, des applications permettent de prendre rendez-vous avec les clients, souvent en toute discrétion. Cette numérisation rend le phénomène plus difficile à détecter et à combattre.
Une réaction qui tarde
Malgré quelques interventions ponctuelles, la réponse des autorités demeure insuffisante. Toutefois, certaines actions récentes montrent un début de prise de conscience. Le 2 août 2023, la police a démantelé un réseau international de proxénétisme opérant à Porto-Novo, suite à une dénonciation de l’ambassade du Nigeria. Des jeunes filles âgées de 12 à 15 ans, enlevées au Nigeria, étaient destinées à alimenter les milieux de prostitution béninois.
Un appel à l’action
La prostitution des mineures est un crime, une atteinte grave aux droits de l’enfant. Il ne suffit plus d’indigner ; il faut agir. L'État béninois, en collaboration avec les partenaires internationaux, doit renforcer les dispositifs de protection, multiplier les centres d’accueil, offrir des alternatives éducatives et professionnelles, et surtout, réprimer fermement les réseaux criminels qui exploitent la vulnérabilité de nos filles.
Ce combat n’est pas que juridique. Il est aussi éthique, social et civilisationnel. Le Bénin ne peut se résoudre à voir sa jeunesse sombrer dans les ténèbres de la misère sexuelle. Il est temps de tourner la page de l’indifférence.
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