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Hommage à titre posthume au Bénin

Et si l'on célébrait les valeurs de leur vivant ?

Et si l'on célébrait les valeurs de leur vivant ?

Au Bénin, il semble que le respect et la reconnaissance attendent la mort pour s’exprimer. Les hommages posthumes prennent souvent la forme de discours fleuris, d’émissions spéciales, et de cérémonies émouvantes. Mais pourquoi faut-il attendre qu’une personne disparaisse pour reconnaître son mérite ? La question mérite d’être posée avec insistance.

La tradition des funérailles fastueuses, bien que critiquée notamment lors de la crise du COVID-19, a repris avec plus de vigueur. Pourtant, le paradoxe persiste : de leur vivant, ces hommes et femmes ne bénéficient d’aucune attention publique, ni d’aucune reconnaissance institutionnelle. Ils traversent leurs vieux jours dans la solitude, parfois dans le besoin, loin des projecteurs qu’ils ont pourtant contribué à alimenter par leur engagement, leur savoir ou leur art.

Prenons l’exemple de feu Jérôme Carlos, ce talentueux journaliste de Radio CAPP FM, décédé le 5 janvier 2024. À sa mort, les éloges ont plu. Mais où étaient-ils quand il était encore là, en train de se battre pour faire vivre une parole libre à l’antenne ? Quelles marques de reconnaissance ont-elles été posées pendant qu’il portait encore sa voix sur les ondes ?

Niaise Miguel, ancien rédacteur en chef de la Télévision nationale, vient lui aussi de nous quitter après une longue maladie. Durant sa retraite, rien, ou si peu : aucune émission, aucun hommage, aucun rappel de son apport à la télévision publique. Son départ s’est fait dans un silence quasi général.

Et que dire d’Amos Elègbè, professeur émérite et ancien ministre ? Ou encore de Martin Dohou Azonhiho, puissant ministre de l’intérieur en son temps ? Leurs disparitions sont passées presque inaperçues. Comme eux, ils sont nombreux ces bâtisseurs de l’État, de la culture, de la science ou de la société civile, à être relégués aux oubliettes avant même d’avoir tiré leur révérence.

Dans nos villes et campagnes, des anonymes font œuvre utile, posent des actes sociaux remarquables. Mais tant qu’ils ne sont pas adoubés par un système, tant qu’ils ne bénéficient pas d’une visibilité médiatique ou politique, ils demeurent invisibles. Pourtant, reconnaître leurs efforts pendant qu’ils sont vivants pourrait avoir un effet boule de neige sur les générations montantes, en les incitant à exceller, à s’investir.

Malheureusement, le Bénin souffre d’une politisation excessive de tous les espaces, y compris ceux qui devraient servir à célébrer le mérite et la dignité humaine. La reconnaissance devient alors un enjeu de camp, de clan, ou d’allégeance, plutôt qu’une nécessité républicaine.

Il est temps de rompre avec cette habitude funeste. Célébrer les talents, les compétences et les vertus humaines de leur vivant, voilà un chantier urgent pour une République qui se veut moderne et juste. Car, comme le disait l’écrivain sénégalais Birago Diop, « les morts ne sont pas morts ». Mais encore faut-il honorer les vivants avant qu’ils ne nous quittent.

Youssouf M. AVOCEGAMOU

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