Dans cette tribune inspirée par une émission dominicale sur EDEN TV, Codjo Grégoire Gbêho invite les Béninois à dépasser les clivages politiques et les rivalités personnelles pour poursuivre ensemble un rêve national. Un appel fort à l’honnêteté intellectuelle, à la lucidité citoyenne et à la responsabilité collective.
Il est naturel que chacun rêve pour soi, pour sa famille, pour sa carrière. Mais à quoi sert un rêve individuel si le pays qui l’abrite s’effondre ? Le véritable patriotisme commence quand nous décidons de poursuivre un rêve plus grand que nous : le rêve béninois. Ce dimanche matin, j’ai été profondément marqué par une émission spéciale diffusée sur EDEN TV, où le journaliste Thony Tokpanou, de retour d’Angleterre après deux décennies d’expatriation, était reçu par Donklam Abalo. Une conversation riche, honnête, au cours de laquelle deux phrases m’ont frappé par leur puissance évocatrice.
La première, en langue fon : « Àvo djê kintô, éni kpa bo biô hômin bo yavi » qu’on pourrait traduire ainsi : “Quand l’habit que porte ton adversaire lui va bien, reconnais-le-lui avant de te retirer pour pleurer.” Cet adage est une leçon d’élégance morale et de maturité patriotique. Il nous rappelle qu’il est possible et même noble de reconnaître la compétence, même chez un adversaire. Ce n’est pas renier ses convictions, c’est faire preuve de grandeur. L’intérêt supérieur du Bénin doit passer avant les querelles d’ego. Hélas, dans notre paysage social et politique, ce réflexe est rare. Trop nombreux sont ceux qui préfèrent dénigrer ce qui vient de l’autre camp, même quand c’est bénéfique au pays. Cette posture, destructrice, nous enchaîne à l’immobilisme. La seconde partie du proverbe “se retirer pour pleurer” parle de douleur, oui, mais aussi de lucidité. Elle traduit le désarroi de voir réussir celui que l’on combat, tout en reconnaissant, intérieurement, que cette réussite a du mérite. Au lieu de sombrer dans la jalousie ou la haine, pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui marche ? Pourquoi ne pas apprendre de l’autre pour mieux faire, plutôt que saboter par rancune ?
La deuxième phrase de Tokpanou, quant à elle, résonne comme une alerte : “Un grand bond en avant, deux grands bonds en arrière.”
Sommes-nous, collectivement, dans une dynamique de progrès durable, ou tournons-nous en rond au rythme de nos contradictions ? Il est légitime de critiquer, de pointer ce qui ne va pas. Mais cela doit se faire dans un esprit de construction. Le président Patrice Talon, comme tout dirigeant, n’a pas tout réussi. Il ne l’a jamais prétendu. Mais objectivement, beaucoup de choses ont changé au Bénin : la gouvernance publique, les infrastructures, l’image du pays à l’international.
Nous devons rester vigilants, certes, mais aussi rester justes.
Le patriotisme ne consiste pas à applaudir aveuglément. Il consiste à soutenir ce qui va dans le bon sens, à corriger ce qui ne va pas, et à construire un avenir commun, même avec ceux qui ne pensent pas comme nous.
Un appel à l’unité et à la responsabilité
J’invite chaque Béninois, au-delà des clivages politiques, à se poser cette question simple mais essentielle : “Est-ce que ce que je fais ou dis aujourd’hui aide mon pays à avancer ?”
Nous n’avons pas besoin d’être tous d’accord. Mais nous avons besoin d’un socle commun de valeurs : la vérité, la justice, la dignité, le respect de la chose publique, et l’amour du pays.
Les hommes passent, les partis changent, mais le Bénin demeure. Ce Bénin-là mérite que nous nous élevions au-dessus des querelles pour lui offrir un rêve durable, un avenir solide, une fierté collective.
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